Les salles du musée de Sculpture comparée dédiées à la Renaissance et à l’architecture des XVIIe et XVIIIe siècles sont inaugurées en 1886, soit quatre ans après l’ouverture du musée. Les moulages monumentaux de cette période exposés aujourd’hui permettent d’apprécier la façon dont architectes et sculpteurs, grâce à la volonté des monarques et des initiatives d’une nouvelle classe de commanditaires privés, ont façonné les villes françaises au fur et à mesure qu’elles se détournaient, dès la fin du Moyen Âge, de la seule cathédrale.
XVe-XVIe siècles - Du décor italianisant des hôtels particuliers aux aménagements urbains de la Renaissance
Á la Renaissance, l’avènement d’une élite de marchands fortunés joue un rôle moteur dans le renouveau de l’architecture. Le décor des hôtels particuliers participe alors de l’embellissement urbain : pilastres, bustes, guirlandes, arabesques, chérubins, médaillons et autres éléments empruntés au répertoire classique ornent, à partir du XVe siècle, non seulement les cours d’honneur mais aussi les façades sur rue des demeures urbaines. En témoignent les riches décors des hôtels particuliers Jacques Cœur et Lallemant à Bourges, construits au milieu du XVe siècle. L’hôtel de Bernuy à Toulouse est enrichi vers 1530 par Louis Privat pour le commerçant Jean de Bernuy, avec un décor Renaissance inspiré du style plateresque espagnol. Enfin l’hôtel d’Escoville à Caen bâti par un autre négociant fortuné, Nicolas le Valois, présente, au XVIe siècle, une architecture et un programme sculpté inspirés de l’antiquité, avec des scènes empruntées à l’Ancien Testament comme à la mythologie gréco-romaine.
Renouant avec la monumentalité des cités antiques, les villes françaises donnent, à la Renaissance, progressivement plus d’importance à l’architecture civile. L’aménagement de places publiques entraine la construction d’arches, fontaines, monuments, statues, horloges… Exécutée entre 1527 et 1529, l’arche monumentale dite « le Gros Horloge de Rouen » réalisée par Robert Lemoyne témoigne de ces embellissements urbains. Elle porte le pavillon du Gros-Horloge et réunit ainsi l’hôtel de ville du XVe siècle au beffroi du XIVe siècle. Chef-d’œuvre du sculpteur Jean Goujon, la Fontaine des Innocents a été conçue pour célébrer l’entrée solennelle du roi Henri II dans la capitale le 16 juin 1549. Dans sa configuration originelle elle comportait des arcades soutenant une loggia qui devait servir de tribune aux notables assistant au passage du cortège royal. Menacée de destruction au XVIIIe siècle, la fontaine est démontée pour être finalement remontée au marché des Innocents sous la forme d’un édicule dont Augustin Pajou sculpta la face manquante. Pour sculpter ses célèbres naïades en faible relief, animée de subtiles torsions, Jean Goujon s’inspire de compositions antiques connues comme des artistes italiens appelés par François Ier au château de Fontainebleau.
XVIIe-XVIIIe siècles - Les villes françaises façonnées par la volonté des monarques et l’influence des fondations religieuses
La création de nombreuses places royales au XVIIe siècle et au XVIIIe siècle (pour la France), offre aux architectes et aux sculpteurs de multiples occasions de laisser leur empreinte sur la ville. La construction de la place des Vosges à Paris débute sous Henri IV (1553-1610) en 1605 et le siècle entier sera marqué par la volonté des monarques de créer des axes symboliques autour et à partir des places royales. Henri IV souhaitait relier le palais du Louvre au château des Tuileries dont la construction remonte à 1564, à l’initiative de Catherine de Médicis. Le musée possède une maquette présentant l’état de construction du château des Tuileries avec la Grande Galerie construite entre 1607 et 1610 par Jacques II Androuet du Cerceau. Au XVIIe siècle, les fondations religieuses, soutenues par la monarchie, transforment elles aussi le paysage de la capitale, comme illustré par la façade de l’église du Couvent des Minimes. Réalisée d’après les plans de François Mansart, la maquette présentée au musée restitue la façade principale et le portail de cette église qui se situait, avant sa destruction, près de l’actuelle place des Vosges. Établie sur un plan strictement symétrique, cette façade présentait des proportions harmonieuses et des masses hiérarchiquement ordonnées. Une coupole s’élevait en façade selon un principe novateur.
A l’instar de Paris, la France se couvre au XVIIe siècle de places à la gloire du souverain, dominées par une recherche de composition symétrique et comprenant souvent une sculpture à l’effigie du monarque. Cette tendance se poursuit au XVIIIe siècle et la place Stanislas à Nancy offre l'un des exemples les plus aboutis du développement de l’aménagement urbain du siècle des Lumières. La fontaine de Neptune compte parmi les transformations de la place Royale commanditées par Stanislas Leszczynski, roi de Pologne, duc de Lorraine et de Bar, en hommage à son gendre, Louis XV. Cet ensemble richement sculpté de grilles et de fontaines, réalisé en plomb sur une armature de fer par le sculpteur Barthélémy Guibal entre 1751 et 1757, contraste avec l'ordonnance classique de la place conçue par l'architecte Emmanuel Héré. Neptune, dieu des eaux, debout sur une énorme coquille à bord ondulé qui lui sert de char, est entraîné par un cheval marin et un triton soufflant dans une conque. L’intégration d’éléments inspirés de la nature comme le rocher et les coquillages est caractéristique du style « rocaille » du XVIIIe siècle, style décrié pour son exubérance au siècle suivant.
Par ailleurs, les œuvres monumentales de deux grands sculpteurs classiques des XVIIe et XVIIIe siècles, Pierre Puget et Robert le Lorrain, sont retenues pour figurer dans les collections. Aux atlantes contorsionnés de Pierre Puget sur la façade sud de l’hôtel de ville de Toulon (1656-1657), répondent les chevaux frémissants et les nuées débordantes du haut-relief de Robert le Lorrain dominant l’entrée des anciennes écuries de l’hôtel de Rohan à Paris (1730-1740).
Un monument phare de la première moitié du XIXe siècle : l’arc de triomphe de l’Etoile
Le parcours de la galerie des moulages s’achève sur un monument phare de la première moitié du XIXe siècle. Surplombant le paysage urbain du haut de ses cinquante mètres, l’arc de triomphe de l’Étoile, dont les origines sont napoléoniennes, s’est imposé comme un symbole fort de la France républicaine. Œuvre du sculpteur François Rude (1784-1855), la colossale figure de la célèbre «Marseillaise » (dont sont exposés des moulages de la tête et de la main) appartient au haut-relief du Départ des Volontaires de 1792 ornant la face nord-est de l’arc de triomphe de l’Étoile. En contrepoint des moulages, les deux maquettes de l’arc de triomphe présentées dans la galerie des moulages du musée permettent de confronter les différentes conceptions architecturales et idéologiques qui ont marqué la longue histoire du chantier de construction du monument de 1806 à 1836.