Premier volet : du 22 novembre au 29 novembre 2019
Deuxième volet : tous les vendredis, du 24 janvier au 7 février 2020
Dans le catalogue Vienne, une apocalypse joyeuse, on pouvait lire ces lignes, sous la signature de Jean Clair : « Vienne (…) fut un lieu réel, et ce nom, le seul féminin de toutes les métropoles de l’Europe moderne, désignait en effet le cœur d’un continent, qui était une unité intellectuelle, sensible et spirituelle. » Et l’auteur d’ajouter, plus loin : «… la modernité sécessionniste naît d’un trouble avec le passé (…) Il n’y aurait pas eu, à Vienne, la naissance de ce radicalisme dans la littérature, les arts, l’architecture, les sciences, dont nous vivons encore, si cette pensée ne s’était pas sentie si affaiblie dans l’ordre du temporel, et comme déjà éprouvée morte. » La Sécession viennoise marque la clôture d’une époque, au seuil d’une « sécession politique d’égale conséquence, celle de l’austromarxisme, qui, selon les termes de Jean Clair, retire à la monarchie danubienne son pouvoir quasi millénaire ».
Programmé en contrepoint de l’exposition Otto Wagner, maître de l’Art nouveau viennois, le cycle de films Vienne, capitale austro-hongroise a moins pour ambition de s’offrir pour l’illustration littérale, au prisme du 7ème art, d’un parcours centré sur cet architecte, que de restituer à travers films d’archives, incunables du cinéma muet, longs métrages de fiction, voire même captation d’opéra, le contexte intellectuel et artistique, mais aussi social et politique dans lequel la Sécession viennoise s’est épanouie, pour s’ abîmer, in fine, dans la fatalité de la Grande guerre.
Vendredi 22 novembre 2019, à 19h
Otto Wagner ou l’Art nouveau viennois. Documentaire de Rudolf Klinghor. Autriche, 2017. Durée : 52mn
En rupture avec les conventions esthétiques du passé, Otto Wagner (1841-1918), a offert à la modernité du XIXème siècle sa propre expression architecturale. Si ces premières réalisations, applaudies par la cour de Vienne, sont marquées par l’historicisme, l’urbaniste s’affranchit vite des usages en vigueur, en érigeant des façades aux formes simples, dénuées de toute ornementation pompeuse. En plaçant l’homme moderne au centre de son travail, Otto Wagner décide de privilégier la fonctionnalité. En 1899, il devient membre de la Sécession viennoise – version autrichienne de l’Art nouveau. Epris de son épouse Louise Stiffel, l’architecte s’inspirera de ses mensurations pour nombre de ses créations.
Partant à la rencontre de l’homme et de l’artiste, le réalisateur Rudolf Klinghor brosse un portrait esthétique et éloquent du célèbre architecte autrichien. Son documentaire passe en revue les façades de Vienne et scrute les clins d’œil humoristiques que cet inlassable défenseur de la nouveauté aimait glisser dans ses productions – telles ces couronnes de laurier qui ornent un grand nombre de ses édifices, pour clamer la victoire du modernisme. Du fameux boulevard du Ring aux stations de métro, en passant par les bâtiments emblématiques légués par Otto Wagner à sa ville, façonnant ainsi sa physionomie, ce film-portrait d’une heure synthétise et illustre avec talent le propos de l’exposition.
Projection suivie d’un débat avec Hervé Doucet, commissaire de l’exposition Otto Wagner, maître de l’Art nouveau viennois, et François Loyer.
Maître de conférences en Histoire de l’art contemporain à l’Université de Strasbourg depuis 2008, Hervé Doucet enseigne également à l’Université de Paris-Sorbonne-Abu-Dhabi depuis 2009. Commissaire de l’exposition Otto Wagner, maitre de l’Art nouveau viennois, il est spécialiste de l’histoire de l’architecture. Son ouvrage issu de sa thèse de Doctorat, Emile André. Art nouveau et modernités fut lauréat du Prix Georges Sadler (2011) de l’Académie de Stanislas. Ses recherches sur l’architecture strasbourgeoise de la période de l’annexion (1871-1918) l’ont notamment amené à assurer le commissariat de l’exposition La Neustadt de Strasbourg, un laboratoire urbain (Strasbourg, 29/09/2017-10/12/2017) (catalogue publié par Lieux-dits éditions) et à organiser le colloque international L’Art nouveau aux confins d’empires : Strasbourg et Riga (Strasbourg 8 et 9/11/2018) dont les actes ont été publiés sous sa direction (La Revue de la BNU, n°19, 2019).
Historien de l’art, directeur de recherche au CNRS de 1990 à 2009 (Centre André Chastel, université de Paris-Sorbonne), François Loyer a enseigné successivement dans les universités de Rennes, Strasbourg et Versailles ainsi que comme professeur invité, à Neuchâtel (1988-1989), Chicago (2000), Yale (2002) et Meiji à Tokyo (2007).
Dès ses débuts comme critique, il prend la défense de l’art du 19e siècle et devient un expert dans le domaine du patrimoine. De 2000 à 2007, il dirige le Centre des hautes études de Chaillot puis la Commission du Vieux Paris. Il est membre de la Commission nationale du Patrimoine et de l'Architecture et de la Commission des Acquisitions du Musée d’Orsay. On lui doit des ouvrages qui font référence sur l’architecture et l’art urbain des 19e et 20e siècles et de nombreux travaux sur l’Art nouveau.
Vendredi 29 novembre 2019, à 19h
Ciné-concert - La Symphonie nuptiale (The Wedding March), de Erich von Stroheim. Avec Erich von Stroheim, Zazu Pitts, Fay Wray. Muet, noir et blanc. Cartons anglais, sous-titrés français. Etats-Unis, 1927. Durée : 1h59
Le prince Nicki (Erich von Stroheim) est couvert de dettes. Ses parents veulent qu’il épouse une jeune infirme. Mais il tombe amoureux d’une demoiselle pauvre, promise à un boucher rustre. La noirceur de la vision le dispute, chez ce cinéaste légendaire, au perfectionnisme dans la reconstitution pharaonique de la capitale austro-hongroise au seuil de la Grande guerre.
Acteur et cinéaste de génie, Erich von Stroheim retrouve dans la Symphonie nuptiale ses thèmes de prédilection, y fantasmant un empire danubien rutilant, et y incarnant le personnage du prince Nicki von Wildeliebe-Rauffenberg, aristocrate sensuel et décadent, alcoolique et orgiaque. L’apparition du prince en habits d’apparat, dans l’unique, courte et spectaculaire séquence en couleur du film (procédé Technicolor bi-chrome) est clairement un hommage nostalgique à la Vienne d’avant-guerre…
Ni cavalier, ni noble ni catholique comme il aimait à le faire croire, von Stroheim, future incarnation du junker allemand dans le chef d’œuvre de Jean Renoir La Grande illusion, est né en 1885, à Vienne. Il est le fils d’un chapelier israélite nommé Beno Stroheim et de Johanna Bondy. Il quitte l’Autriche et débarque à New-York en 1909. Cinq années de galère – mais désormais il a une particule ! Assistant de Griffith sur Intolérance en 1915, il connaît la célébrité en 1921 avec Folies de femmes, qui ruine le studio Universal. Passé à la MGM en 1924, l’acteur maudit réalise deux ans plus tard La Symphonie nuptiale (The Wedding March). Le film sera mutilé par les producteurs de la Paramount, mais en 1953, von Stroheim, aidé de sa monteuse Renée Lichtig, proposera une version se rapprochant du projet originel : des 9h30 de rush primitifs, il en restera 2h30… Durée ramenée à 1h49 dans la présente projection en ciné-concert.
Accompagnement musical « live » par Ornicar : Renan Richard (saxophone), Côme Huveline (batterie), Joachim Machado (guitare électrique).
S’affranchir des étiquettes, des esthétiques, échanger les rôles, mélanger l’acoustique des instruments à l’électrique des effets, avant tout se laisser porter par la nécessité de créer un son de groupe à trois : Joachim Machado (guitare électrique/effets), Côme Huveline (batterie/effets), Renan Richard (saxophone baryton/effets). Le résultat ? Une musique narrative, énergique, contrastée, qui s’ancre résolument dans le paysage musical actuel. La résidence de création d’Ornicar au Baiser Salé, ainsi qu’un travail approfondi avec Emile Parisien aboutit à l’enregistrement d’un premier EP en décembre 2017 aux Studios de la Grande Armée. En 2018, Ornicar est lauréat de l’appel à projet de la 8ème édition du festival grenoblois Les Détours de Babel, et invité à se produire à Umbria Jazz (Perugia, Italie) en tant que finaliste du Conad Jazz Contest…
Deuxième volet du cycle à partir du vendredi 24 janvier 2020.
Vendredi 24 janvier 2020, à 19h
Les Aigles foudroyés, chronique de la chute des grands empires. Extraits des épisodes de la série télévisée écrite et réalisée par Frédéric Mitterrand. France, 1997. Durée : 57mn
Entre roman feuilleton et leçon d’histoire érudite, Frédéric Mitterrand raconte, à sa manière inimitable, sur fond d’images d’archives étonnantes, les dernières années de la domination des dynasties séculaires de la veille Europe, entre 1896 et 1018. Ce programme résulte d’un montage d’extraits librement exhumés, avec l’autorisation de Frédéric Mitterrand, des six épisodes qui constituent la série. Ces « morceaux choisis » nous plongent dans l’intimité des monarques et des élites aristocratiques de la Double monarchie à son crépuscule, illustrant magistralement la vie mondaine, politique et sociale de Vienne au temps de Musil, de Freud ou de Gustav Mahler, au cœur de cette « apocalypse joyeuse » dont François-Joseph et son entourage immédiat servent ici de fil conducteur au récit.
Séance en présence de Frédéric Mitterrand. Ancien ministre de la Culture et de la Communication, écrivain, cinéaste et producteur.
Vendredi 31 janvier 2020, à 19h
Colonel Redl (Oberst Redl). Film d’Istvan Szabo. Avec Klaus Maria Brandauer, Armin Mueller-Stahl, Gudrun Landgrebe. Hongrie, Autriche, RFA, Yougoslavie, 1984 Durée: 1h42.
Fils de cheminot, admis à l’Académie Militaire de l’Empire austro-hongrois, Alfred Redl a une liaison avec un jeune aristocrate. Dissimulant ses origines comme son homosexualité, il gravit les échelons de la hiérarchie. A la veille de la Première Guerre mondiale, l’archiduc François-Ferdinand lui confie la responsabilité des services secrets. Au-delà de l’intrigue inspirée de faits réels, une radiographie acide du pouvoir habsbourgeois avant sa chute.
L’intrigue du film est basée sur des faits réels. Alfred Redl (1864-1913), officier autrichien né à Lviv (anciennement Lemberg), en Galicie ukrainienne, se suicidera à Vienne, à la suite d’accusations de trahison portées contre lui par l’état-major, avant tout soucieux d’étouffer l’affaire. Directeur des services secrets de l’Empire, qu’il aura contribué à restructurer dès 1907, le colonel Redl, en pleine crise des Balkans en 1913, se voit en effet accusé d’espionnage au profit de la Russie. Secrètement homosexuel, à l’insu de ses supérieurs l’homme entretient une liaison avec un jeune officier, Stefan Hromodka, ce qui lui vaut par ailleurs d’être victime de maîtres chanteurs. Très endetté, finalement démasqué par l’interception de courriers « poste restante » à son attention, il n’aura d’autre choix que de se donner la mort dans une chambre d’hôtel, au moyen d’un révolver diligemment mis à sa disposition…
Film présenté par Claude Arnaud.
Romancier et essayiste, Claude Arnaud s’est interrogé sur la nature de l’identité individuelle sous diverses formes. Fictives dans ses romans (Le Caméléon, 1994, Le Jeu des quatre coins, 1998) et sa trilogie autobiographique inaugurée par Qu’as-tu fait de tes frères ? en 2010, mais aussi dans ses biographies de Chamfort (1988), et de Cocteau (2003), comme dans son essai sur les imposteurs, les auto-inventeurs et autres espions, Qui dit je en nous (2006, Prix Fémina). En 2017, il a publié Portraits crachés aux Éditions Robert Laffont. Le mal des ruines, livre consacré à la Corse, où il a des origines, doit sortir en 2020 chez Grasset.
Vendredi 7 février 2020, à 19h
Le Chevalier à la Rose/ Der Rosenkavalier. Opéra de Richard Strauss, en 3 actes, Allemagne, 1911. Avec Renée Flemming, Elina Garanca, Günther Grossbôck, Erin Morley, Matthew Polenzani. Direction Sebastian Weigle. Captation au Metropolitan Opera de New-York, dans la mise en scène de Robert Carsen. Etats-Unis, 2017, production Robert Carsen. Durée : 3h23
Créé à Dresde et repris à Vienne en 1911, cet opéra du grand compositeur allemand Richard Strauss, alors au faîte de sa célébrité, remporte un immense succès public, jamais démenti depuis. Sur un livret de l’écrivain autrichien Hugo von Hofmannsthal, l’intrigue - rocambolesque ! - est sensée se dérouler dans la Vienne mondaine et interlope du XVIIIème siècle. Le « coup de génie » du metteur en scène canadien Robert Carsen a été de transposer cette toile de fond dans l’époque même où fut composé ce chef d’œuvre de l’art lyrique. Ce parti pris restitue merveilleusement le climat bouillonnant mais délétère de la capitale austro-hongroise, à la veille du premier conflit mondial. Par ailleurs, cet enregistrement bénéficie d’une distribution hors pair. Sa projection exceptionnelle dans le cadre de ce cycle constitue un événement.
Remerciements à Robert Carsen, à Peter Gelb et au Metropolitan Opera.
Informations pratiques
Auditorium
7 avenue Albert de Mun
Paris 16e
Métro Iéna ou Trocadéro
Inscription conseillée, entrée libre et gratuite dans la limite des places disponibles.
Les valises quelle que soit leur taille et les sacs de grande contenance sont désormais interdits dans la Cité.