Le portrait
Quand les autres jeunes diplômés charrettaient sur des concours d’idées, Damien Antoni et Achille Bourdon creusaient leur sujet : « la ville productive », cohabitation assumée de l’espace urbain et des réseaux de distribution d’eau, de marchandises, de traitement des déchets, etc. Convaincus que les filières vitales à la ville doivent être mises en débat pour en explorer les potentiels architecturaux, ils plongent dans la littérature grise (sur la métropole logistique, l’écologie industrielle), visitent, clarifient leurs idées par écrit. « À l’heure où la ville doit être smart, digitale et connectée, il faut révéler la matérialité des infrastructures qui rendent possibles ces ambitions », soutiennent-ils. Déterminés, Achille et Damien s’arment pour investir le rôle politique de l’architecte, ses capacités de reformulation de l’existant indispensables à l’émulation de la « chose publique » telle que la décrit Bruno Latour. C’est, d’après eux, la seule manière de conjurer le sort de leur profession « souvent confinée en bout de chaîne du projet ». C’est aussi un moyen de consolider leurs arguments pour convaincre les commanditaires des « architectures du système ville » (centrales d’énergie, messageries logistiques, hôtels d’activités, etc.) que concilier ambitions architecturales et intérêts économiques n’est pas antinomique. Difficile, quand les entreprises consentent peu d’argent au bâti alors que pour survivre dans la densité, elles ont intérêt à miser sur du sur-mesure. Mais pas impossible : tout le monde en convient, délocaliser les emplois pour construire des Zac est absurde quand il y a des opportunités à saisir, comme ce foncier temporaire généré par les travaux du Grand Paris Express. Syvil est en phase avec l’époque. Les « architectures du système ville » sont son cheval de Troie, car l’agence revendique une approche culturelle. Penser la production en ville oblige à la travailler avec d’autres programmes (logements, espaces publics, équipements, etc.) pour insuffler de la qualité partout. Nourris de sciences sociales, Achille et Damien brouillent les frontières entre théorie et pratique, recherche urbaine et production bâtie, pour que leurs idées s’incarnent dans la réalité. L’ambition est large, le spectre d’action tout autant. Leur savoir-faire en économie et leur connaissance des process industriels leur permettent de contribuer à des études d’aménagement autant que de construire. Pour le groupe immobilier Sogaris, ils ont conduit une étude singulière sur les bâtiments logistiques provisoires et démontables. Depuis janvier 2017, Syvil assiste l’Établissement public territorial Orly-Rungis – Seine-Amont dans la relocalisation des activités impactées par les projets d’aménagement. La réflexion va jusqu’à la mise au point de typologies immobilières mixant activités et autres programmes, pour que la ville assume ses coulisses.
Achille Bourdon (1985) et Damien Antoni (1986) sont diplômés de l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville en 2011. Ils fondent l’association Syvil en 2010, transformée en agence en 2015.
La citation
« Montrer la distribution des marchandises et la production de l’énergie est un enjeu de transparence politique. »
Le projet : Micro-Rungis
Le pôle Paris - Pantin – Pré-Saint-Gervais, dit P4, est un projet pionnier de logistique urbaine ; un Micro-Rungis plus écologique. Mutualisé dans le temps et l’espace, il repose sur un principe simple : un seul poids lourd roulant au gaz naturel décharge en une fois l’équivalent de quatorze petits véhicules propres qui livrent le client final. P4 est leur point de rencontre. Situé sous le boulevard périphérique, il fonctionne 24 heures sur 24 et illustre une logistique plus propre, capable de s’intégrer à la ville en valorisant ses espaces résiduels. La lumière nécessaire à son activité confère au bâtiment une qualité particulière, ses vitrines en font le signal de coulisses urbaines remises sur le devant de la scène. Côté Pantin, le projet expose la chorégraphie de véhicules d’un nouveau genre, moins émissifs (camions et camionnettes roulant au gaz naturel, triporteurs, chariots électriques…). Côté Paris, une grande fenêtre donne à voir le ballet des marchandises qui nourrissent la capitale. Le bâtiment est intégralement démontable et remontable ailleurs.
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Contact
Syvil – Architectures du système ville
86 rue Pixerécourt
75020 PARIS
01 43 64 58 44
mail@syvil.eu
www.syvil.eu -
Fiche technique
Lieu : Paris (75)
Programme : messagerie logistique mutualisée à zéro émission de particules et commerce
Client : Sogaris (porteur de projet), Mairie de Paris
Équipe : Syvil ‒ Achille Bourdon et Damien Antoni, architectes, avec Lucie Jouannard et Ava Roghanian, assistantes ‒, Mizrahi (BET TCE)
Budget : 1 400 000 € HT
Surface : 864 m2
Études : PC juillet 2018