Le portrait
Léa Hommage et Mathieu Delmas ont un goût prononcé pour la maîtrise d’œuvre. Peut-être parce qu’ils font partie des premiers paysagistes diplômés de l’école d’architecture de Lille. Partager ses charrettes avec des apprentis architectes décomplexe. Leur désir est intense de fabriquer l’espace collectif, grands parcs et petites places, jardins de copropriété et nouveaux quartiers. Les promesses d’action du mot projet les ont attirés à Lille après un début en géographie pour Léa et aux parcs et jardins pour Mathieu. « En tant que paysagistes, notre travail est de mettre en forme un lieu ». Mais de la forme comme de l’usage, ils ont une vision personnelle. Griffonner des kilomètres de calque canalise leur énergie mais ils n’ont aucun attrait pour le formalisme. C’est pour faire émerger l’avenir d’une vision critique du présent qu’ils manipulent plans et coupes d’un site, depuis le relevé jusqu’aux derniers traits du projet. Une fois ces derniers stabilisés, Léa et Mathieu s’empressent d’échapper à la 2D. « Le paysage n’est pas un objet figé mais un espace traversé », soutiennent-ils. Alors leurs story-boards relatent des parcours. Le diplôme de Léa à Oulan-Bator en Mongolie et leur projet lauréat d’Europan 12 sur la friche de Montpertuis-Palazol dans l’Allier étaient présentés en bandes dessinées. Monochromes hachés à la Manu Larcenet ou contes réalistes version Jirô Taniguchi, ils immergent dans les lieux que Léa et Mathieu conçoivent. Les dessins tumultueux du paysagiste Yves Brunier sont une inspiration, une motivation pour dépasser la justification fonctionnaliste d’un projet. Si Léa et Mathieu dessinent en noir et blanc leurs paysages, c’est que les situations humaines qu’ils hébergent comptent autant que leur composition. Leur usage est essentiel, mais pas au sens de la programmation. « Nous refusons de nommer un espace par sa pratique, cette dictature du pictogramme type "ici, on pique-nique". Les lieux que nous projetons n’assignent pas, ils invitent ». Leurs murets sont des assises, leurs bosquets des cabanes, leurs fossés des refuges, mais ils ne s’en vantent pas. Tel l’écrivain-voyageur Nicolas Bouvier dans L’usage du monde, Lalu ne présente pas ses intentions dans des tableaux exotiques et figés mais narre les vies qu’elles peuvent accueillir. Pour Léa et Mathieu, le paysage est une expérience physique et émotionnelle. En plein cœur d’îlot nantais, ils ont déployé une prairie où sentir l’humidité de la rosée. On comprend pourquoi la figure du quai, du chemin décollé, est une récurrence dans leurs projets. Investir la frontière entre deux endroits, se mettre au bord, parfois en surplomb, c’est donner de l’ampleur à ce qui s’étend en creux, au végétal pour qu’il atteigne une densité suffisante pour exister. Dessiner des digues, c’est mettre des paysages et des corps en tension, entre forme et usage.
Léa Hommage (1984) et Mathieu Delmas (1983) sont diplômés de l’École nationale supérieure d’architecture et de paysage de Lille en 2010 et 2011. Ils fondent l’atelier de paysage Lalu-la forme et l’usage à Nantes, en 2013.
La citation
« Dans nos projets, il y a des gens, des riverains, des passants, des voisins, pas seulement des usagers. »
Le projet : Place des Érables
Imaginée par Alexandre Chemetoff lors de la première phase d’aménagement de l’île de Nantes, la place des Érables s’organise en creux autour d’un ancien puits. La livraison de plusieurs bâtiments à l’ouest de l’espace public est l’occasion d’un réaménagement pour le connecter au mail qui structure désormais le quartier. La place est raccrochée à l’école d’architecture qui la borde afin d’ouvrir une nouvelle perspective vers la Loire. Le travail en coupe permet de mesurer les qualités initiales à amplifier. Le creux est entendu, ses plantations complétées, ses soutènements périphériques renouvelés à partir des matériaux issus de la déconstruction. Au centre, un fragment du sol sableux de l’île émerge. Il est densément planté et contenu entre de larges murets blancs et lisses. Sept cornouillers officinaux font désormais face aux érables de Tartarie. Le sol de la ville, 80 cm plus haut, libère de longues perspectives vers le fleuve. On peut s’asseoir au bord du creux ou dans les trois alcôves qui bordent l’école d’architecture, sous les arbres et entre les abélias.
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Contact
Lalu - La forme et l’usage, atelier de paysage
35 rue Léon Jamin
44000 Nantes
02 51 17 31 53
contact@laformeetlusage.com
www.laformeetlusage.com -
Fiche technique
Lieu : Nantes (44)
Programme : requalification d’un espace public
Client : Samoa
Équipe : Lalu (mandataire), MA-GEO bureau d’études génie urbain (cotraitant)
Budget : 635 000 € HT
Surface : 5 500 m²
Livraison : 2018