Le portrait
« Le morceau de territoire qui m’a vu grandir est fait de bâtisses de granit regroupées en de solides hameaux. L’architecture ne s’y énonce pas de manière culturelle. Elle se saisit par fragments, se devine sous l’ombre d’une toiture, dans l’épaisseur d’une maçonnerie », écrit Jean-François Madec. Venu du Finistère, l’architecte installé sur le littoral armoricain cultive un rapport anachronique au monde. Alors que ses confrères se débattent dans la culture globalisée des métropoles, il prône le détachement géographique et idéologique. Jean-François refuse l’aliénation à une pensée mondialisée, se passionne pour les peuples primitifs, les travaux de l’anthropologue Pierre Clastres sur les sociétés sans État. Face aux effets de manche de l’architecte-auteur, il valorise la raison de l’usage, s’impose rationalité technique et économique. « Les matériaux mis en œuvre sont modestes mais de qualité », dit-il souvent à propos de ses projets fait de sobres assemblages de bois, de pierres ou d’acier. Missionnaire du « bon sens », de la frugalité, Jean-François revendique la décence du dessin, l’intégrité de sa faisabilité avant son inscription dans une culture savante. D’après lui, l’honnêteté dans la conception assure le respect de l’œuvre commune qu’est la construction et celui des compagnons qui la mettent en œuvre. Dans son bureau avec vue sur mer, l’architecte conçoit des projets « culturellement représentatifs », enracinés dans la mémoire sensible et matérielle des lieux. Il sélectionne les concours d’idées en Islande, en Lettonie, dans des sites aussi forts que sa Bretagne. L’économie de moyens guide des dessins gorgés des paysages dans lesquels ils s’inscrivent. Contrairement aux apparences, Jean-François n’a pas construit ce goût pour la retenue en réaction à un état de présent de l’architecture. C’est une sédimentation d’expériences où survit l’influence de ses collaborations aux œuvres maniéristes de François Chochon et l’exigence constructive de Jean Guervilly, avec qui il a travaillé dix ans. Son art est brut mais Jean-François n’est pas un ermite. À l’image des Scandinaves Tham & Videgård ou Vardehaugen, ses projets puisent dans les matériaux vernaculaires une certaine contemporanéité formelle. Mais l’architecte préfère l’éthique aux incantations artistiques. Quand ses confrères se posent en producteurs de discours, Jean-François milite pour la création d’écoles de l’art de bâtir. « Il ne faudrait pas que le discours flamboyant excuse la construction médiocre », martèle-t-il. Et il s’interroge : « L’architecture pourrait-elle être un acte désintéressé, pour que l’architecte modeste renoue avec sa responsabilité fondamentale vis-à-vis de l’usage, de la communauté ? » Jean-François ne renie pas l’austérité de cette vision. Elle lui paraît même essentielle pour crédibiliser sa profession, souvent réduite à une simple valeur ajoutée de façade.
Jean-François Madec (1983) est diplômé de l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-La Villette en 2007. Il fonde son agence à Saint-Brieuc en 2018.
La citation
« Replacer l’architecture dans son rôle le plus modeste et le plus noble : celui du simple art de bâtir. »
Le projet : Extension d’une bâtisse
Exemple typique d’architecture vernaculaire, cette bâtisse du Finistère est constituée d’un ensemble de volumes aux gabarits variés, agglomérés sur un axe nord-sud. Mono-orientées, les pièces de vie souffrent d’un manque cruel de luminosité et ne profitent que de vues partielles sur le paysage environnant. La création d’une unité de vie pour handicapé est l’occasion d’imaginer un intérieur domestique en prise avec la nature. L’extension opère un retournement : de plain-pied, le nouveau volume est positionné à la perpendiculaire de l’existant pour maximiser le linéaire de façade sud et définir deux paysages, la cour et le jardin. Le nouveau salon est traversant. Largement ouvert sur le jardin, il profite aussi de vues arborées de l’autre côté grâce à une longue fenêtre bandeau. Sur la cour, l’extension revendique par sa matérialité une filiation directe avec l’existant avec des murs porteurs en béton habillés de granit et des menuiseries en chêne. Côté jardin, la rupture est assumée : le béton est peint en blanc.
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Contact
Jean-François Madec architecte
11 rue des Bleuets
22190 Plérin
06 88 83 11 46
madec.architectures@gmail.com
www.madec-architectures.com -
Fiche technique
Lieu : Saint-Méen (29)
Programme : extension d’un corps de ferme ; entrée, séjour, chambre accessible et salle d’eau
Client : privé
Équipe : Jean-François Madec architecte
Budget : 100 000 € HT
Surface : 60 m²
Commande : 2013