Hugo Crespy (né en 1988) est diplômé de l’École nationale d’architecture de Paris-Malaquais et titulaire d’un master professionnel d’urbanisme à l’université Paris 1. Il fonde Forall Studio en 2015 avec l’architecte-ingénieur Nicolas Bouisson (né en 1983) et l’architecte-ébéniste Julien Pilon (né en 1982), rencontrés sur les bancs de l’école d’architecture. Ce dernier en est parti en 2020. Ils ont organisé pendant trois ans un séminaire d’architecture à Sciences Po et participé à des modules intensifs aux Ensa Paris-Malaquais et Paris-Belleville. Ils sont lauréats de l’appel à projets innovant Parisculteurs, initié par la Ville de Paris en 2016.
Le portrait
Comment repenser nos manières d’habiter un monde aux ressources limitées, au climat abîmé, aux inégalités renforcées ? Cette conscience aiguë des enjeux amène Forall Studio à porter un engagement politique fort par le biais de sa pratique. « Chaque trait dessiné a une répercussion sur la ville et les territoires », affirment Hugo Crespy et Nicolas Bouisson. Leurs parcours d’étudiants pluridisciplinaires et les compétences mobilisées aujourd’hui à l’agence (urbanistes, architectes, architectes d’intérieur, ingénieur) tendent vers un même objectif : retrouver un lien tangible entre les paysages, les écosystèmes, les cultures constructives et tous les acteurs, incluant aussi les artisans et entreprises. À contre-courant de la réalité très segmentée du travail de l’architecte et d’une approche qui focalise sur l’objet construit (apprise à l’école), Forall Studio préconise une vision holistique qui élargit le regard à la géographie, à l’économie locale et aux ressources d’un territoire. Toutes ces forces qui peuvent être à la genèse d’un projet et permettre d’engager des actions écoresponsables. Les « NF Quelque chose », « Dieux Clim’Véèmssé » ou « Chauffage-à-tous-les-étages » (lexique éloquent !), ils s’en détournent.
Lors de leur premier marché public — une salle de restauration dans le village d’Alixan, dans la Drôme —, ils sont les seuls candidats à proposer de conserver et de rénover la vieille remise en pisé sur le site et partent en quête des matériaux et artisans locaux. Ce travail chronophage de sourçage et de compréhension d’un territoire dans son épaisseur culturelle s’est affiné au fil du temps. Les architectes ont notamment développé une étude composite pour réactiver la filière de la construction bois au sein du parc naturel régional de la Montagne de Reims.
Leur nom d’agence, qui renvoie au symbole mathématique ∀ (« quel que soit »), traduit cette volonté d’injecter ces recherches dans la variété des sujets qu’ils abordent. Leur galaxie de projets est atypique, allant d’une ferme urbaine souterraine à Paris à la reconversion d’un centre commercial désaffecté en une Maison de la culture et de la jeunesse à Goussainville. Pour chacun, ils apportent leur expertise singulière et complémentaire en vue de réemployer et réhabiliter plutôt que jeter et démolir, recourir aux matériaux biosourcés plutôt que bétonner. Face à des maîtres d’ouvrage parfois novices sur ces sujets, ils mènent un travail proactif de sensibilisation, constatant que le monde de la construction gagnerait à ce que ces problématiques soient intégrées dès la programmation. Leur engagement moral ne saurait jusqu’à aujourd’hui souffrir aucune compromission. Sollicités pour construire une opération de 20 logements en promotion immobilière privée, ils ont convié le pisé, le bois et la paille, n’imaginant pas un instant qu’ils pourraient y renoncer à une étape du projet. Ils ne se laisseront pas entraîner sur des terrains glissants. « Il faut sortir les projets de cette ‟niche” écoresponsable dans laquelle certains acteurs institutionnels et privés continuent de les ranger », clament-ils.
La citation
« Notre démarche, quel que soit le programme, le contexte ou le client : réemployer plutôt que tout jeter, réhabiliter plutôt que tout raser, biosourcer plutôt que tout bétonner ! »
Le projet : Restaurant
Même dans une petite commune subissant la désertification de son centre-bourg comme Mazières-de-Touraine, on peut émettre le souhait de réaliser une architecture exemplaire et innovante. Pour ce projet de restaurant occupant une vieille bâtisse restructurée et agrandie, la commune n’a pas lésiné sur les moyens, aidée financièrement par l’Agence locale de l’énergie : géothermie, récupération et réutilisation des eaux pluviales, recours aux matériaux biosourcés issus de filières locales… Tous ces dispositifs s’intègrent dans le nouvel ensemble implanté au coeur du village et reconnaissable à sa maison dédoublée. Épousant la forme archétypale des longères de la région, celle-ci est revêtue d’une couverture en tavaillons de châtaignier, légère et respirante (réalisée par un artisan de Touraine), qui déborde en façade et signale le caractère public de l’équipement. L’implantation dégage une terrasse et un jardin en pleine terre, de manière à limiter les emprises imperméabilisées.
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Contact
Forall Studio
83, allée Darius Milhaud 75019 Paris
09 80 34 49 80contact@forallstudio.com
www.forallstudio.com@forallstudio
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Fiche technique
Lieu : Mazières-de-Touraine (37)
Programme : Réhabilitation et extension d’une maison de village pour y créer un restaurant rural
Maîtrise d’ouvrage : Commune de Mazières-de-Touraine
Maîtrise d’œuvre : Forall Studio (mandataires) ; Atelux (économiste, BET fluides) ; BE JMD (structure)
Budget : 521 118 € HT (dont VRD)
Surface : 147 m2 SDP
Calendrier : 2017-2019