Le portrait
Ils sont deux sur la photo, mais toute une bande se cache derrière Arthur Ozenne et Mathilde Gaudemet. Des amis qui n’ont rien d’architectes, fidèles depuis le lycée. Parmi eux, celle qui leur a suggéré de réfléchir ensemble à la maison de ses parents à Uzès, dans le Gard. Au fil des rencontres, les parents deviennent leurs clients. Mathilde et Arthur quittent le salariat et créent leur agence. Son nom est générique, clin d’œil à cette année de naissance 1986 qui fonde leurs précieuses amitiés de lycée, et suffisamment neutre pour préserver la leur des aléas de la vie professionnelle. Le projet d’Uzès s’inscrit dans la durée : « On a besoin de temps pour convaincre, pour que tous, clients, mairie, entreprises, s’investissent dans le même projet ». Pas question de livrer un pastiche de mazet occitan, ils tiennent à ce que leur proposition respecte autrement la substance des lieux. Expliquer qu’un projet s’ancre dans un contexte géographique et culturel élargi, dézoomer pour montrer aux futurs habitants qu’en bâtissant leur espace de vie, ils construisent celui de la cité, telles sont les responsabilités que Mathilde et Arthur s’attribuent. Une manière d’exprimer, au-delà des lois, l’intérêt public de l’architecture. « Les seuils de recours obligatoire à un professionnel, c’est bien, mais il faut donner envie d’architecture. Cela passe par les grands musées autant que par les pavillons au coin de la rue ». S’intéresser à toutes les échelles – jusqu’aux détails de mise en œuvre –, c’est donc assumer pleinement leur rôle. Ils refusent d’abandonner les aménagements d’intérieur aux designers et les maisons individuelles aux promoteurs, aimeraient s’essayer aux équipements. Leur pédagogie passe par le dialogue, entre eux, avec les autres, surtout avec les amis – toujours eux –, à qui les projets sont régulièrement soumis pour éprouver leur capacité d’appropriation sensible. « Nous sommes des ogres, nous nous nourrissons de tout, surtout des expériences spatiales des autres ». Car si Mathilde et Arthur se préservent des a priori stylistiques, c’est le millefeuille des sens d’une construction qui les préoccupe. À travers l’architecture, ils veulent interroger. Comme avec ce comptoir doré, imaginé pour un cabinet d’avocats qui travaille beaucoup dans le golfe Persique, ou ces arbres montés sur roulettes dans un parc au Canada. L’art des jardins poussé à son paroxysme ? Évocation, un brin premier degré, du déracinement ? Qu’importe ce que vous y voyez, ce qui compte pour les architectes, c’est d’anticiper l’épaisseur symbolique de leur proposition, de s’assurer qu’il n’y ait pas contresens. Il y a de l’humour chez Mathilde et Arthur mais jamais de cynisme. Plutôt des actes politiques, subtils et sensibles. Leur rêve ? Travailler sur l’extension du palais de l’Élysée.
Mathilde Gaudemet (1986) est diplômée de l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-Malaquais en 2009. Arthur Ozenne (1986) est diplômé de l’École spéciale d’architecture en 2011. Ils fondent leur agence à Paris en 2014.
La citation
« Être architecte n’est pas une vocation, c’est un choix. »
Le projet : extension d’un mazet
L’extension de ce mazet typique de la région gardoise doit permettre de réunir épisodiquement parents, enfants, petits-enfants et amis. Entre verdure et minéralité, un volume sculptural résonne avec la mémoire du site, jadis une carrière. Le monolithe, un prisme de 6 mètres de long par 5 de côté, et son excroissance de plain-pied, reprennent les dimensions des petits mas de la région. Les ombres qui soulignent leurs facettes affirment leur contemporanéité. Dans le même temps, par ses ouvertures et sa matérialité, le projet s’inscrit dans la logique des constructions traditionnelles. C’est un abri, il protège du climat, de son intense luminosité et de ses violentes intempéries. Peu de porosité donc, les ouvertures offrent des cadrages photographiques sur le paysage. La démultiplication des espaces intérieurs (chambres, salle d’eau, salons) et extérieurs (piscine, jardin bas, terrasses) préserve l’intimité de chacune des générations réunies sous le même toit. Le béton brut de décoffrage, de ciment blanc et teinté dans la masse, se rapproche de la couleur de l’existant.
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Fiche technique
Lieu : Pays de l'Uzège (30)
Programme : extension d’une maison individuelle
Client : privé
Surface : 90 m2
Livraison : octobre 2016