Le portrait
Hier, ils étaient trois. Aujourd’hui, ils sont cinq. Qui sait combien d’architectes composeront Bast demain ? Le « Bureau architectures sans titre » est en équilibre instable, une expérience mise au point par Laurent Didier, Mathieu Le Ny, Louis Leger et Jean-Baptiste Friot, lorsqu’ils transforment la SARL en scop. Ici, les salariés sont associés et tout le monde fait « le même boulot », assurent-ils. Pas question de reproduire les hiérarchies d’ailleurs, où le maître passe et le dessinateur gratte. Chez Bast, l’association est un projet en soit. Il n’y a qu’à voir ce tableau Excel à double entrée, censé assurer que les collaborations internes ne sont jamais figées. Cinq associés offrent 20 possibilités de binôme, soit un duo par projet. Charge au couple de circonstance de mettre en œuvre les décisions prises en collectivité. Pour y parvenir, des règles s’imposent car, « choisir à cinq où percer une fenêtre, c’est impossible », avouent les intéressés. En réalité, la division du travail est une expression de leur préoccupation de concepteurs : objectiver l’architecture. « Un projet n’est pas une envie d’auteur mais une suite logique de choix ». Lors de l’esquisse, la discussion en groupe élague les idées. Surtout, elle sert à ce que Bast en entier s’approprie le sujet, ses éléments de langage et d’architecture. Une seule idée doit concentrer l’attention, un seul principe doit fédérer les interventions. Pour optimiser l’éclairage naturel de l’extension de cette maison toulousaine sans trop gêner l’existant, les murs sont en verre, le squelette externe et les rideaux occultants extérieurs afin de ne pas empiéter sur la surface habitable. Efficace dans le verbe autant que dans le dessin. S’ils se refusent à lire l’abstraction de leur réalisation comme une posture esthétique, c’est qu’ils y voient le résultat du minimalisme des gestes auquel ils aspirent. Leur architecture est éthérée, bricolée, ambiguë – qu’est-ce qui était là ? Qu’est-ce qui ne l’était pas ? –, explicitement reliée à cette nouvelle école brutaliste qui stimule les jeunes Européens (Bruther, De Vylder Vinck Taillieu, H Arquitectes). Mais elle n’est pas ultra-dessinée, plutôt calée sur le chantier. On imagine qu’à chaque projet, la négociation interne est animée car tout le monde s’affirme. Nous n’en saurons rien, la concertation ne sort pas de l’agence. Bast maîtrise discours et image. Sur Instagram, seuls les chantiers, les processus – le cœur du sujet – ont droit de cité. Pas la peine de courir après des textes qui parlent des réalisations : « Le projet se suffit à lui-même », répondent les architectes. Francs et radicaux, comme leur production. On comprend que selon eux, seuls les méthodes et les dispositifs doivent préoccuper. « Si on pouvait faire un tableau Excel pour concevoir nos projets, ce serait parfait ».
Louis Leger (1989), Laurent Didier (1984) et Mathieu Le Ny (1983) sont respectivement diplômés de l’École nationale supérieure d’architecture de Toulouse en 2009 et 2008, et de l’École d’architecture, de la ville et des territoires à Marne-la-Vallée en 2012. Basés à Toulouse, ils transforment la SARL Bast en scop Arl en 2016.
La citation
« Un projet n’est pas une envie d’auteur mais une suite logique de choix. »
Le projet : Extension d’une maison
L’extension-réhabilitation de cette maison toulousaine se base sur une efficace répartition des fonctions : dans l’existant, les chambres ; dans l’extension, les nouvelles pièces de vie. La maison d’origine est évidée et un couloir distribue les pièces éclairées en second jour et par la toiture. L’extension s’affirme par une épure franchement contemporaine. Aux briques et tuiles de la maison traditionnelle s’accolent de grands pans vitrés, une dalle de béton et des cadres métalliques. Posé de biais pour capter un maximum de lumière, le nouveau volume respecte les limites de l’emprise légalement constructible. La dalle de compression sur longrines, associée aux portiques en acier, permet de réduire le temps du chantier et garantit une réversibilité totale de l’opération. La transparence de la nouvelle construction crée un jeu de plans successifs depuis le fond de la parcelle, mettant en valeur la façade de la maison d’origine. Entre les deux parties de l’habitation, une petite cour triangulaire se forme, nouvelle terrasse à l’abri des regards.
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Contact
Bast – Bureau architectures sans titre
55 rue Riquet
31000 Toulouse
09 80 32 61 94
bureau@bast0.com
www.bast0.com
@bast_architectes -
Fiche technique
Lieu : Toulouse (31)
Programme : extension d’une maison individuelle
Client : privé
Budget : 115 000 € HT
Surface : 100 m2
Livraison : mars 2016