Nicolas Delalande (né en 1990) et Sébastien Tabourin (né en 1991) sont diplômés de l’École spéciale d’architecture en 2014 (mention du meilleur diplôme). Ils créent l’Atelier Delalande Tabourin (ADT) en 2017 à Paris et à Orléans. Ils sont finalistes du Grand Prix d’architecture de l’Académie des beaux-arts en 2016.
Le portrait
Plutôt que des mots, les trois présentoirs en Corian posés sur la table de l’agence matérialisent d’emblée la stratification du processus architectural tel que le conçoivent Nicolas Delalande et Sébastien Tabourin. Ce qu’ils appellent les trois tamis — référence à l’apologue de Socrate — est une méthode destinée à filtrer les étapes du projet tout autant qu’à transmettre à leurs maîtres d’ouvrage la pensée qui l’a généré. La recherche ainsi rationalisée, presque scientifiquement, entend déjouer l’intuition d’une forme sans fondement, l’influence d’images que peuvent générer les revues d’architecture et les réseaux sociaux. Elle certifie la cohérence de la narration depuis l’étude du site jusqu’à la réalisation.
Du premier ils extraient l’ADN du site, du second « la table des matières ». Ensuite, selon leur logique, le projet formalise la synthèse de cette contextualisation physique. Cette affinité pour la matérialité et sa dimension sensitive s’est révélée au contact d’un de leurs enseignants, le Suédois Carl Fredrik Svenstedt. Lors de leur diplôme passé en binôme, ils avaient fabriqué des échantillons de béton de site. Elle s’est affermie à l’agence, où ils projettent de développer un laboratoire en s’entourant de profils complémentaires : chercheurs, artisans, fournisseurs… Ils collaborent aujourd’hui avec une doctorante sur le sujet, la designeuse Anna Saint-Pierre. Leur ambition est d’explorer le réemploi des matériaux dans ce monde normé du bâtiment. Cette incursion s’est précisée avec la visite d’une carrière de granit en Bretagne. Ils font alors un constat déroutant dans un contexte d’épuisement des ressources : entre son extraction et sa transformation, plus de 80 % de cette pierre part au rebut car les travaux publics, principale filière du matériau, n’acceptent pas la moindre imperfection. Ce sont ces déchets, qui prennent parfois la forme de blocs de quatre mètres de hauteur, que les architectes ont cartographiés et quantifiés pour en tirer parti dans la réhabilitation-extension d’une maison située à proximité. La conception s’adapte aux machines-outils utilisées pour l’usinage des plots urbains ou des bordures de trottoirs. Terreau d’expérimentation, ce projet est emblématique d’une démarche où la matière résonne avec le contexte et participe de l’expérience poétique et sensible de l’espace. Elle convoque des jeux de textures, de couleurs, d’ombres et de lumières, des odeurs aussi. À Versailles, pour la transformation d’une villa bourgeoise, ils exploitent le concassé de brique issu des rebuts de cuisson. Leur désir d’expérimenter se heurte parfois au coût des essais ou aux réticences de leurs commanditaires. Pour la restructuration et l’agrandissement d’un siège social dans la région orléanaise, ils préconisaient un bardage en pin thermochauffé. Plus commun, le traitement autoclave lui a été préféré. Ils ont néanmoins réussi à revêtir l’essentiel de la façade dans cette essence en allant puiser la ressource dans la scierie de l’entreprise toute proche. Des victoires qui leur donnent envie d’aller plus loin dans cette exploration.
La citation
« Notre démarche architecturale cherche à révéler le potentiel émotionnel d’un lieu à travers un travail local et responsable de la matière. »
Le projet : Réhabilitation d'un pavillon
En découvrant cette maison des années 1950 à Versailles, les architectes remarquent les murs de brique qui la soutiennent comme des stèles et impriment au volume cubique son caractère. Pour en alléger l’expression massive, la restructuration convoque cependant une autre géométrie : la figure cylindrique. Elle se développe en quatre puits de lumière qui fluidifient les transitions entre les différentes séquences de l’habitat étagé sur trois niveaux. Comme un prolongement des murs en brique, ces cylindres s’enveloppent d’un béton teinté en rouge dont la fabrication avec la poudre résiduelle de la terre cuite est à l’étude. De la briqueterie francilienne, les architectes extraient aussi la chamotte, un concassé issu des rebuts de cuisson. Utilisée plus couramment par les paysagistes en technique de paillage, elle sera dans ce projet appliquée par cloutage sur le béton de sol, désactivé ou poncé selon les configurations. Échos au « déjà-là », ces jeux de matières contemporaines captent la lumière naturelle irriguant toute la maison.
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Contact
Atelier Delalande Tabourin (ADT)
44, rue du Faubourg du Temple 75011 Paris
110, rue de Coulmiers 45000 Orléans
09 82 54 23 40contact@atelierdelalandetabourin.com
www.atelierdelalandetabourin.com@atelierdelalandetabourin
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Fiche technique
Lieu : Versailles (78)
Programme : Réhabilitation lourde d’une habitation
Maîtrise d’ouvrage : Privée
Maîtrise d’œuvre : Atelier Delalande Tabourin (ADT), en collaboration avec Anna Saint-Pierre, chercheuse en réemploi de matériaux ; Cons Struct (BET structure)
Budget : 440 000 € HT
Surface : 300 m2
Calendrier : 2020-2022