Les Duos & Débats sont des face-à-faces saisonniers entre deux équipes d’architectes, l’une exerçant en France, l’autre dans un autre pays européen. Nous vous proposons aujourd'hui de revivre celui qui a réuni deux architectes méditerranéens : Carme Pinós, barcelonaise, et Marc Barani, niçois.
Ils ont en partage la Méditerranée. Elle à Barcelone, lui à Nice. Ils ont aussi en commun d'avoir commencé leur parcours en réalisant un cimetière qui, chacun dans leur contexte, s'est imposé comme une œuvre majeure.
« La Méditerranée, c'est la lumière et une culture, mais ce n'est pas que la mer », souligne Carme Pinós qui a vécu une partie de son enfance dans une ferme. Pour Marc Barani, c'est « une fiction en mouvement » que la scène artistique niçoise, Yves Klein en tête, a su mettre en scène. Le thème de la dernière demeure, sujet d'architecture s'il en est depuis des siècles, n'est pas une commande comme les autres. Elle interroge le monument autant que le paysage. Pour investir le site d'Igualada, Carme Pinós, avec Enric Miralles, ont commencé le projet du cimetière avec des mots avant d'imaginer le concevoir comme un sentier tracé par des animaux pour mieux faire corps avec le paysage. De son côté, Marc Barani, de retour du Népal, a ressenti le besoin de travailler avec un philosophe pour questionner le tabou de la mort afin de pouvoir dessiner l'extension du cimetière de Roquebrune-Cap Martin où repose Le Corbusier. Depuis, il s'est retrouvé dans la situation de construire la tombe de Rafiq Hariri en plein cœur de Beyrouth sur le lieu même de l'attentat du Premier ministre libanais.
Peut-on parler de complémentarités ? Au delà de cette culture méditerranéenne commune, leur travail n'a rien de semblable, car si l'une pratique le jeu structurel pour mieux soigner les articulations entre l'architecture et la ville, l'autre n'a pas peur de lancer de grandes plaques et d'étirer les lignes pour créer des plateformes. En fait, tout s'explique. À l'instar du sculpteur basque Oteiza, la catalane Carme Pinós s'ingénie à "limiter l'espace sans jamais le fermer". Tandis que, né dans un paysage dont le défi est d'habiter la pente, Marc Barani n'a pas oublié les restanques de son grand-père horticulteur : « l'horizontal, c'est quelque chose qui se gagne ».
Animée par le critique Philippe Tretiack, cette discussion entre deux architectes du Sud a mis à jour des correspondances particulièrement intéressantes, elle qui ne conçoit les choses sans passer par la phase de la maquette, lui qui aime à manier les mots pour mieux caler le projet. Après seulement, on pourra se risquer à parler d'émotion et d'art de vivre.
Bibliographie
- Tenir lieu. Atelier Marc Barani, Collin Lemoine (dir.), éd. Silvana/Cité de l’architecture & du patrimoine, 2019
- Plateforme de la création architecturale 1. Dix architectes face à face dans l’espace européen, Francis Rambert, Martine Colombet, Christine Carboni (dir.), éd. Cité de l’architecture & du patrimoine/HYX, 2018
- Carme Pinós Architecture, Daniela Colafranceschi (dir.), éd. Artifice Books on architecture, 2016
Les Duos & Débats de la Plateforme de la Création architecturale
Le principe est celui d’un face-à-face saisonnier entre deux équipes d’architectes, l’une exerçant en France, l’autre dans un autre pays européen.
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Pour aller plus loin
Le Cimetière d’Igualada, film de Richard Copans, Arte France/Les Films d’ici, 2010