« Sédimentations », par Pierre-Louis Faloci, architecte
Les Entretiens de Chaillot
Autour de l’exposition « Pierre-Louis Faloci. Une écologie du regard »
Les Entretiens de Chaillot sont des conférences mensuelles d’un architecte, d’un urbaniste ou d’un paysagiste, français ou étranger, sur ses réalisations et ses projets, sa pensée, sa démarche, ses méthodes.

Musée archéologique de Mariana en Haute-Corse
« La disparition récente de Bruno Latour nous laisse orphelins d’une pensée profonde sur le devenir de la planète, même si son discours sur la question de la modernité est discutable. Il a parfaitement explicité la différence entre la transformation très longue de la planète depuis son origine et l’accélération prodigieuse de la sédimentation liée à l’activité humaine en deux siècles. Cela a créé une notion de catastrophe artificielle extrêmement rapide par rapport aux transformations lentes et naturelles qui ont précédé. Il a montré dans cette accélération prodigieuse une mondialisation de l’acte de construire, de transformer le paysage, de multiplier les réseaux et d’utiliser, dans un déni total, des énergies ultra dangereuses et nocives. Cette critique sur l’état de la planète s’est généralisée sur le concept d’anthropocène, qui superpose une géologie façonnée par l’homme à une géologie naturelle.
Il est à mon sens trop facile de liquider la notion de modernité comme une pensée globale liée à un déni sur la question de la pollution de la planète. Ce serait commettre une lourde erreur de ne pas faire un inventaire des éléments positifs et négatifs de l’idéal moderne. Il demeure dans l’histoire de l’architecture et du paysage des utopies fondamentales qui sont loin d’être en opposition avec la cause écologique d’aujourd’hui. Il existe toujours une histoire critique nécessaire pour concevoir les transformations futures. L’architecture et le paysage doivent désormais prendre en compte la notion d’écoconstruction sans oublier les acquis intellectuels fondamentaux des grands modernes du début du siècle dans le monde de l’art, de l’architecture et du paysage.
Sur ce sujet, la notion de progrès technique nécessite désormais de se situer dans une cause qui respecte l’écologie et qui arrive à réparer, à améliorer, à transformer cette nouvelle sédimentation quel que soit le lieu, jusqu’à revenir parfois à une notion de “sédimentation inversée”.
Cette conférence présentera divers projets de l’agence, dont les plus récents, qui expliciteront les notions de sédimentation optique, de respect pour l’écoconstruction et l’importance accordée à une modernité qui s’appuie à la fois sur l’histoire critique du cinéma, sur l’histoire sourde du lieu et sur la question des techniques liées à la menace. Nous aborderons également la sédimentation en termes de matérialité et de mutation paysagère, jusqu’à considérer certains bâtiments abandonnés comme des topographies artificielles.
D’une manière globale, nous aborderons le fait que toute intervention architecturale et paysagère est désormais inscrite dans une “cause”. »
Pierre-Louis Faloci