Le portrait
« S’entourer de verbe pour exister, pas question », répond sec Régis Roudil, lorsqu’on l’interroge sur sa manière de travailler. Son armure est épaisse. Elle témoigne de sa crainte d’être embarqué dans une histoire qui ne serait pas la sienne. Dans son agence aixoise, l’atelier maquette est aussi grand que la salle de réunion où elles s’exposent. La découpe du carton gris y est un rite au cours duquel s’énonce le projet. Jeune Marseillais très sportif, Régis préfère rejoindre les étudiants en architecture de Luminy, affairés autour de modèles réduits, plutôt que la filière Staps. Pour lui, l’espace se conçoit par l’extérieur, en volumes étirés à l’horizon. Réflexion en trois dimensions combinée à une maîtrise totale des plans, inlassablement peaufinés. « Dans le sport, c’est en répétant l’action qu’on finit par y arriver ». Il y a quelque chose de touchant dans cette pratique qui prône l’endurance, la recherche patiente à l’heure d’une immédiateté permanente. Régis est un artisan en quête d’harmonie, la persévérance est son éthique, l’architecture, un acte de dévouement. Peu bavard au premier abord, il ne l’est pas davantage à propos de ses projets. Il refuse « l’anecdote », le discours a posteriori. Ses traits doivent se raccrocher à un sens plus profond. De fait, ses dessins expriment au premier coup d’œil la générosité des lieux qu’ils représentent. Pour son premier projet, les sanitaires d’un camping dans l’Ain, il a mis au point le pas de la structure en maquette. La composition du plan rappelle celle des patios antiques, dynamisée par une diagonale perçant des vues sur le massif du Grand Colombier. Faut-il insister sur sa filiation avec l’école niçoise de Marc Barani, CAB et Comte et Vollenweider ? Il s’est formé auprès d’eux, collabore encore à l’occasion, mais s’affirme. De leur conception classique de l’espace, il garde cet attachement aux fondamentaux de la composition, aux valeurs immuables que sont la masse, la matière, la lumière et les proportions. Mais alors que l’architecture se dématérialise en discours chez beaucoup, lui appuie sur le réel, la matière. Moins esthète que ses aînés, il prône des choix sensibles en ne misant pas uniquement sur l’image, s’intéresse à la proximité du filon et des savoir-faire. Il écoute le matériau, respecte sa capacité à faire décor autant que structure. En maquette, le balsa vaut pour le bois, la stéatite pour la pierre massive. « Dans une société ultradigitalisée, le contact sensoriel est devenu capital ». Au sein de l’agence se déploie une passion pour Fernand Pouillon, notamment pour le Centre régional d’éducation physique et sportive d’Aix-en-Provence et ses briques fourrées. Des éléments basiques aux assemblages soignés, qui font de l’effet. Régis se voit comme un « dégun », un insignifiant en occitan. On lui conseille de ne surtout pas changer.
Régis Roudil (1985) est diplômé de l’École nationale supérieure d’architecture de Marseille en 2008. Il fonde son agence à Aix-en-Provence en 2013 et obtient le prix de la Première Œuvre en 2015 pour les sanitaires du lac du Lit du Roi à Massignieu-de-Rives dans l’Ain.
La citation
“Pas de modénature, pas d’inutile ni de superficiel : du sens, de l’émotion, de l’efficience.”
Le projet : Extension de maison
Le projet d’extension de cette petite maison est ambitieux : il consiste à créer trois nouvelles chambres, deux salles d’eau et une salle à manger. La pente sur laquelle est adossé l’existant est une aubaine pour insérer harmonieusement les nouveaux espaces dans la parcelle. Mimant les ouvrages de soutènement qui strient les terrains du midi, l’extension se déploie à l’arrière de l’habitation originelle. Semi-enterrée, elle souligne les courbes de niveau et s’ouvre peu sur la rue pour protéger l’intimité de ses occupants. Avec sa façade en pierres sèches, on dirait une restanque habitée. On entre par l’existant où le séjour assure l’articulation avec l’extension. Les pièces de vie et les chambres s’organisent autour de trois patios, jardins intérieurs creusés dans la pente. La maison offre ainsi un véritable paysage intérieur tourné vers le ciel. Alignée sur le niveau haut du terrain, la toiture-terrasse de l’extension forme un belvédère qui prolonge le massif végétal surplombant la parcelle.
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Contact
Atelier Régis Roudil architectes
Place Martin Luther King
Avenue du 8 mai 1945 – Le Mansard C
13090 Aix-en-Provence
04 42 61 19 05
06 03 68 59 86
contact@regisroudil.fr
www.regisroudil.fr -
Fiche technique
Lieu : Rousset (13)
Programme : extension avec création de trois chambres, trois patios, deux salles d’eau et une salle à manger
Client : privé
Équipe : Atelier Régis Roudil architectes (mandataire) ; I2C études (BET structure)
Surface : 60 m² + 90 m² + aménagements extérieurs
Livraison : février 2017