Rotterdam
Portrait de ville
L’aura et le dynamisme de la deuxième ville des Pays-Bas - premier port européen et troisième mondial - sont une réalité. Rotterdam est une ville moderne : son centre ayant été presque entièrement détruit par les bombardements en 1940, le parti fut pris de raser les bribes urbaines qui restaient, ce qui a laissé le champ libre aux urbanistes et aux architectes de la reconstruction et à leurs successeurs. Mais la page n’était qu’apparemment vierge car la géographie a ici une présence très forte (digues, polders...). Les récentes constructions en hauteur créent des repères dans le paysage urbain qui s’étire jusqu’à la mer du Nord où les nouveaux bassins, à plus de 30 km des premiers situés au centre-ville, peuvent accueillir porte-conteneurs et supertankers géants. Avec un guide de promenades architecturales.
Sommaire
• Rotterdam : eau, ville et port
• Formes d'une ville
• Habiter Rotterdam
• Stratégies du Rotterdam contemporain
• Promenades dans Rotterdam
Éditorial
Par Gwenaël Querrien
Premier port de commerce international de la planète jusqu'en 2003, Rotterdam a été dépassé depuis par deux métropoles asiatiques : la géante Shanghai (18,6 millions d'habitants sur 6.340 km2) et Singapour, la cité-État (4,8 Mhab., 699 km2). La deuxième ville néerlandaise reste néanmoins le premier port européen - une part de son fret chemine depuis la mer du Nord jusqu'au cœur de l'Europe de l'Ouest via le Rhin et la Meuse - et le troisième mondial, alors qu'elle ne compte que 588.000 habitants dans ses limites administratives. Mais l'agglomération en compte 1.100.000 et l'échelle significative est plutôt la Randstad Holland, région qui concentre près de la moitié de la population néerlandaise (16.500.000 habitants au total) autour de quatre villes-pôles, les trois autres étant : Amsterdam (743.400 hab.), La Haye (472.087 hab.) et Utrecht (281.011 hab.).
Rotterdam est situé au nord de la vaste zone de delta du Rhin et de la Meuse, jouxtant celui de l'Escaut, un territoire fluctuant où les limites entre terre et eau - celle de la mer, mais aussi celle des rivières - varient, non seulement en fonction du changement climatique, mais au fil du temps : apport d'alluvions, érosion, stigmates laissés par les inondations. Elles varient aussi du fait des aménagements, commencés dès le XIIIe siècle et jamais interrompus, pour gagner de la terre ferme et se défendre contre la mer, mais aussi contre les crues des rivières. Digues, polders, dragage de chenaux, canaux, barrages, portes géantes pouvant faire bouclier contre les attaques des tempêtes sont autant d'ouvrages de défense et de domestication de l'eau. On est en effet ici dans une région très basse des Pays-Bas, certains secteurs étant à plus de 6 m au-dessous du niveau de la mer et les reliefs quasi inexistants. Dès l'origine, la relation entre la ville et l'eau est fusionnelle, si bien que, contrairement à de nombreuses villes européennes dont le développement initial est radioconcentrique, Rotterdam tient sa forme très étirée de la poursuite de son port. Celui-ci s'est en effet déplacé d'est en ouest au fil de son histoire, le long du fleuve, pour rester accessible à des vaisseaux puis à des porte-conteneurs et des supertankers de plus en plus grands, jusqu'à installer aujourd'hui ses nouveaux bassins sur la mer du Nord, à plus de 30 km des premiers situés au cœur du centre-ville.
Malgré la relative petite taille de la deuxième ville des Pays-Bas, son aura et son dynamisme sont une réalité, non seulement du point de vue économique mais aussi dans le domaine de l'urbanisme et de l'architecture contemporaine. Rotterdam, ville moderne, est aujourd'hui une des destinations fétiches des architectes, au même titre que des métropoles qui font plus de dix fois sa taille. Son centre ayant été presque entièrement détruit par les bombardements en 1940, la ville n'a préservé que quelques rescapés du carnage comme témoins de son passé, pour leur qualité intrinsèque ou leur valeur symbolique. Pour le reste, le parti fut pris d'achever les démolitions perpétrées par la guerre en rasant les bribes urbaines qui restaient, ce qui a laissé le champ libre aux urbanistes et aux architectes de la reconstruction et à leurs successeurs. Mais la page n'était qu'apparemment vierge car, aussi curieux que cela puisse paraître quand on pense au plat pays, la géographie a ici une présence très forte, qu'elle soit "naturelle" comme les multiples bras du delta ou façonnée par la main de l'homme. Si les différentes périodes de l'architecture de l'après-guerre sont toutes présentes à Rotterdam dont le skyline s'est élevé peu à peu, les récentes constructions en hauteur - comme aussi la haute pile à laquelle est suspendu le pont Erasmus devenu l'emblème de la ville - créent des pics qui sont autant de repères dans le paysage urbain qui s'étire jusqu'à la mer du Nord. On en a une excellente perception, en particulier en ce qui concerne la succession des bassins, du haut de l'Euromast.