Quitter la ville pour la campagne ? Cette question a animé les conversations ces dernières semaines, car l’exode des citadins aux premiers jours du confinement interroge la pertinence du modèle urbain. Les maisons enterrées imaginées par l’architecte et ingénieur Guy Rottier (1922-2013) sont une réponse inventive à ce besoin de prendre la clé des champs.
Figure pionnière de l’avant-garde architecturale des années 1960 et 1970, le franco-néerlandais Guy Rottier est une personnalité atypique attachée à la défense d’idées nouvelles ingénieuses et ludiques. Lui, qui revendiquait un statut de créateur libre plus que d’architecte affairiste, était à la fois lié aux artistes de l’École de Nice, où il résidait, et aux fondateurs du Groupe international d’architecture prospective (GIAP) qu’étaient Michel Ragon et Yona Friedman, récemment disparus, ou les architectes Paul Maymont et Ionel Schein, le designer Georges Patrix et les artistes Walter Jonas et Nicolas Schöffer.
À l’aube d’un courant de pensée écologiste émergent, alors que le potentiel de l’architecture vernaculaire en terre, des habitats troglodytiques et des constructions enterrées est mis en lumière, Guy Rottier propose une réinterprétation contemporaine de ces modèles issus du passé et développe le concept de « nouvelle architecture de terre ». Cela le conduit à énoncer le principe de la maison industrialisée enterrée, qu’il décline à foison entre 1965 et 1978. Au travers des différents projets théoriques qu’il conçoit, l’architecte dresse l’inventaire des possibilités offertes par l’usage d’une ossature assemblée sur site grâce à des modules préfabriqués en béton ou en acier et recouverte de terre a posteriori.
Il crée ainsi des maisons aux façades aveugles qui sculptent un paysage artificiel souvent figuratif. La nature est ainsi domestiquée pour prendre une forme anthropomorphe ou zoomorphe dans une claire évocation de la notion d’architecture parlante répandue au XVIIIe siècle. Par leur caractère générique et le refus de toute monumentalité, ces maisons nichées sous terre peuvent s’adapter à différents lieux, rural ou urbain, tout en étant propices à un retour à la nature.