Le portrait
Dans leur petite agence niçoise, Sophie Delage, Mathieu Grenier et Pierre Le Quer ont aménagé une salle de réunion dédiée à la conception. Même si les ordinateurs se trouvent relégués dans un coin de la pièce, il leur est indispensable d’imaginer leurs projets autour d’une table vouée aux débats, et surtout d’une maquette qu’on manipule pour mettre à l’épreuve ses intuitions, se frotter au site et au bâti à venir. Ces moments privilégiés où les yeux quittent l’écran pour se focaliser sur l’architecture, ils les ont expérimentés chez CAB. Un an ensemble dans cette agence où tout le monde peut prendre part à la discussion les a soudés. Aujourd’hui, Combas ne recrute pas sur compétences informatiques mais sur « discussion architecturale ». Pour Sophie, Mathieu et Pierre, l’architecture est un espace physique précisément dimensionné, autant qu’un espace mental complètement ouvert. Férue de géométrie, Sophie veille à la cohérence formelle des dessins. Un carré doit vraiment en être un pour garantir la lisibilité du plan. Mathieu ne réfrène pas ses envies de matériaux mais s’attache à ce qu’elles résonnent avec les autres dimensions du projet, notamment son contexte. Les lubies de Pierre parlent de textures, d’atmosphères, d’ombres, etc. Les rôles sont interchangeables : l’un parle haut et fort quand l’autre est plus doux, mais non moins déterminé. Comme dans cette « école méditerranéenne » qui les inspire, étendue des rivages de la côte d’Azur à ceux de l’Atlantique, de Marc Barani à Alvaro Siza, l’académisme de la composition conditionne la perception sensible de l’espace. Pour le centre éducatif fermé de Marseille, les architectes ont longtemps cherché le juste assemblage des volumes, finalement déployés autour d’un vaste espace collectif qui atténue l’isolement des résidents. La lumière souligne l’épaisseur de la matière, la charpente bois adoucit la sévérité du programme. D’autres sensations que celle de l’enfermement s’éveillent. Chez Combas, la rigueur du dessin, son austérité presque, démultiplie les dimensions sensorielles des lieux qu’ils représentent. Précises, géométrie et lumière façonnent une multitude d’histoires personnelles. Pour accéder à cette richesse, Combas se donne le temps, condition sine qua non d’une architecture pérenne, « à l’opposé des constructions frêles et fugaces qui occupent le paysage », soutiennent les trois architectes. Et Sophie, Mathieu et Pierre poursuivent d’une seule voix militante : « Construire en nombre ne solutionnera pas la pénurie des logements. Il faut se battre pour la qualité, construire moins pour construire mieux ». Le nom de leur association est un clin d’œil à la municipalité de Combas, premier maître d’ouvrage à leur avoir fait confiance. Mais ils ne se formalisent pas si on oublie le « s », le jeu de mot résistant leur va bien.
Sophie Delage (1983), Mathieu Grenier (1984) et Pierre Le Quer (1987) sont diplômés des Écoles nationales supérieures d’architecture de Marseille et de Grenoble en 2007 et 2014. Ils fondent Combas en 2011 à Nîmes et à Nice.
La citation
« L’architecture doit qualifier l’espace par la lumière, car bâtir c’est priver de lumière un sol pour l’habiter. »
Le projet : Centre éducatif fermé
Le centre éducatif fermé occupe une ancienne parcelle maraîchère des quartiers nord de Marseille. Son environnement résidentiel impose de tourner la construction vers le sud, pour éviter les vis-à-vis. Extrêmement sobre, le projet opte pour l’austérité formelle et matérielle mais mise sur la lumière pour doter les lieux d’un peu de chaleur conviviale. Le dessin d’ensemble est directement inspiré des constructions traditionnelles du Midi, icônes locales dans lesquelles il puise l’origine de sa forme et le profil de sa toiture monopente. La pierre d’Estaillades qui recouvre les façades se retourne en toiture pour marquer encore davantage l’unicité du bâtiment. À l’intérieur, les murs en béton banché sont à nu. Visible dans la circulation élargie qui fédère le plan, la charpente en bois rythme la déambulation. Là, telles des failles, des alcôves dans le mur, les baies sont profondes pour appuyer le dessin de l’ombre. L’accès principal à l’équipement s’organise en biais pour révéler l’épaisseur de sa matière, suggérer sa pérennité et son ancrage dans le sol.
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Contact
Atelier Boteko
134, rue des Couronnes 75020 Paris
11, avenue Pierre Brossolette 33110 Le Bouscat
09 81 96 22 19info@atelierboteko.com
www.atelierboteko.com@atelierboteko
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Fiche technique
Lieu : Aillas (33)
Programme : Transformation d’une ferme agricole en habitation
Maîtrise d’ouvrage : Privée
Maîtrise d’œuvre : Atelier Boteko ; ETBA (BET structure)
Budget : 350 000 € HT
Surface : 400 m2
Calendrier : 2013-2014 (études), 2016 (livraison)