Le portrait
Jean-Benoît Vétillard garantit que la densité graphique de son book pallie sa difficulté à s’exprimer. C’est vrai, il pèse ses mots. C’est moins de la timidité qu’une posture d’architecte qui s’attache à maîtriser l’histoire que trace le moindre de ses traits. « Dessiner est un moment rituel à l’initiative de la conception, c’est le premier acte construit », explique-t-il. Pour Jean-Benoît, travailler la communication du projet est un outil pour le développer. À l’école d’architecture de Rennes, il choisit l’aquarelle quand les autres découvrent la 3D, s’efforce de produire des documents suffisamment narratifs pour se passer de mots. Jeune diplômé en exil à Venise, il cultive cette sensibilité en réalisant, avec les designers de Salottobuono, des travaux graphiques pour Domus et Abitare. Avant de se lancer en son nom propre, il se forme chez des aînés pour vérifier que ses envies peuvent être des outils : Block, Projectiles, Ciguë et Berger & Berger composent pour lui une famille où se mêlent échardes et crayons ; où le projet est autant un exercice de narration visuelle que de construction. Si l’économie de moyens est une condition contemporaine de l’architecture, chez Jean-Benoît elle infuse aussi la conception. Pour chaque sujet, il cherche le meilleur angle d’attaque. Une fois le point de vue optimal pour exprimer ses intuitions ciblées, il approfondit les traits sans démultiplier la production. Ses dessins sont pointilleux comme les bandes dessinées de Chris Ware, saccadés comme les mangas de Yûichi Yokoyama. Rassemblés, ils traduisent une vision cinématographique de l’espace, faite d’une accumulation de séquences spatiales. À Domfront, au commencement des études pour l’aménagement d’une maison des associations, il présente les dessins « non négociables », moments essentiels d’un projet essentialisé. Son attrait pour l’Italie et la communication comme outil de création conduisent l’architecte à explorer la scène radicale, Ugo La Pietra et ses expérimentations pour embarquer le spectateur dans une nouvelle expérience de la ville. De fait, c’est une exploration mentale de l’espace que proposent les illustrations de Jean-Benoît. Il assure que ce média facilite le dialogue avec la maîtrise d’ouvrage : ce protocole dessiné emporte dans une fiction détachée d’une vision purement utilitaire de l’espace. Dessiner n’est pas seulement une passion, c’est une manière d’ouvrir l’architecture aux autres. « L’art est un état de rencontre », écrit Nicolas Bourriaud dans son essai sur l’esthétique relationnelle. Pour le créer, Jean-Benoît a également choisi de stimuler les usagers de ses projets par une inquiétante étrangeté. Par exemple en piquant des plaques bitumées aux pavillons de banlieue et des rideaux chenille à son boucher vénitien pour recouvrir les salles de travail de l’agence de communication BETC.
Jean-Benoît Vétillard (1984) est diplômé de l’École nationale supérieure d’architecture de Bretagne (ENSAB) de Rennes en 2007. Il fonde son agence à Paris, en 2014.
La citation
« Je me déplace librement entre l’art et l’architecture. »
Le projet : Espaces de travail
Quatre typologies de « Units » s’éparpillent dans l’agence de communication BETC, collection d’expériences inédites dans un espace de travail générique. Produites en 75 exemplaires, elles accueillent réunions ou moments de concentration. Ces micro-architectures structurent l’open space en lui redonnant une échelle humaine. À chaque « Unit » une fonction que son image décalée n’identifie pas à première vue. Les 15 « U6 » sont des salles de réunion : les plaques de bitume déroulées sur une portion de cloison préservent l’intimité des occupants. Les deux « Cab » semblent recouverts de Terrazzo : ce sont des canapés en matériaux recyclés où trouver un peu d’intimité. Les 25 « TGV » peuvent accueillir quatre personnes dans un espace fermé. Béton cellulaire, gaine de ventilation et lumière clinique ; on se croirait dans un vaisseau spatial. L’intensité de l’éclairage est programmable. Enfin, les 15 « F1 » sont des espaces individuels. Le molleton de leurs rideaux anti-mouches tranche avec la froideur métallique de leur mobilier, deux bureaux « Less » de Jean Nouvel, recombinés.
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Contact
Jean-Benoît Vétillard architecture
22 rue des Taillandiers
75011 Paris
06 24 29 37 76
contact@jeanbenoitvetillard.com
www.jeanbenoitvetillard.com
@jeanbenoitvetillard -
Fiche technique
Lieu : Pantin (93)
Programme : espaces de travail, de réunion, de repos
Client : Les Magasins généraux (BETC), T&P Work Unit (direction artistique)
Équipe : Jean-Benoît Vétillard architecture
Budget : 900 000 € HT
Livraison : 2016