Portrait
Helsinki, septembre 2010 : Charlotte Lovera, Élise Giordano et Louise Dubois s’installent dans leur colocation Erasmus. Les apprenties architectes et l’élève des arts décoratifs ne se connaissent pas. L’année sera déterminante. À la Aalto University, pas de champs disciplinaires hermétiques, les jeunes femmes s’essaient donc ensemble aussi bien à la micro-architecture qu’aux métiers à tisser. De retour à Paris, elles prolongent la colocation, planchent sur leurs diplômes côte à côte. Leurs démarches fusionnent : Élise s’intéresse à la conception participative de Patrick Bouchain, Charlotte à la survie des pratiques urbaines informelles dans l’aménagement, Louise colonise le parvis de la mairie de Créteil avec du textile. Chacune expérimente le projet spatial comme acte social et solidaire construisant l’histoire humaine et bâtie. Passage obligé des jeunes diplômés, l’agence d’architecture est un « choc thermique ». Alors elles contrebalancent par des engagements associatifs. Avec la scénographe Carine Ravaud, Élise participe à la résidence « Territoires pionniers ». À Sainteny (Manche), elle teste la mobilisation habitante en récoltant les « bruits qui courent », ces anecdotes, ferments de la vie collective. Toutes les trois, elles s’engagent dans la démarche Enerterre, découvrent le « troc de temps » en s’impliquant bénévolement dans la rénovation de foyers modestes en échange d’une formation sur la construction en terre. Ces expériences fondent leur collaboration professionnelle : deux architectes et une designer textile, leur association est unique, aïno en finnois. L’atelier est une scop calibrée pour garantir sa transdisciplinarité, s’assurer que la capacité de manipulation de la matière des designers complète celle des architectes à extrapoler une problématique locale. Chez Aïno, le temps est un matériau, l’habitant un artisan, le déchet une ressource. L’autoconstruction a droit de cité quel que soit le budget pour humaniser le projet, investir sa part sensible. Pour réhabiliter le mur en pierres sèches d’un cabanon de vacances près de Nice, le calcul est vite fait : un chantier participatif coûte 3 fois moins cher en temps et en argent que de faire travailler seul un professionnel. Les savoir-faire pour entretenir ces ouvrages traditionnels disparaissant, l’appel aux bonnes volontés est un succès. Le matin, l’artisan forme les volontaires, qui construisent l’après-midi. En dynamisant les liens avec les habitants, Aïno se pose en maître d’œuvre de la mémoire, charge les lieux de souvenirs. Son travail sur la matière y participe. Les vieilles tuiles du cabanon ont été concassées et la terre cuite coulée dans la chape de la terrasse. Du motif au territoire, Aïno embrasse toutes les échelles de la création.
Charlotte Lovera (1987) et Élise Giordano (1987) sont diplômées des Écoles nationales supérieures d’architecture Paris-Malaquais et Paris-La Villette en 2013. Louise Dubois (1989) est diplômée de l’École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris en 2012. Elles fondent l’Atelier Aïno à Marseille en 2016.
La citation
« Construire est un acte social et solidaire et le temps un matériau. »
Projet : Ateliers participatifs
L’ensemble de 350 logements du quartier des Fenassiers à Colomiers (Haute-Garonne) va être démoli. Pour accompagner cette évolution radicale, la ville souhaite impliquer les habitants dans la conception d’une « mémothèque » dédiée à la mémoire vive des lieux. L’association « Les bruits qui courent » créée par l’atelier Aïno et la scénographe Carine Ravaud propose d’imaginer avec eux un kiosque éphémère, préfigurant le futur équipement. Une série d’ateliers permet au kiosque de prendre forme progressivement et de réfléchir à sa gestion, ses abords, etc. Groupes de travail et événements festifs rythment la résidence des concepteurs : concertation avec les habitants et les élus, chantier ouvert (construction du plancher, de la terrasse, du mobilier), ateliers scolaires (création de carreaux de béton et de cloisons) et avec des personnes âgées (création de châssis tissés et de coussins brodés). Enfin, toutes les propositions des habitants ont été consignées dans un programme transmis au maître d’œuvre du futur équipement pérenne.
-
Contact
Atelier Aïno, architecture et matériau
211 chemin de la Madrague-Ville
13015 Marseille
04 13 42 27 77
atelier@atelier-aino.com
www.atelier-aino.com -
Fiche technique
Lieu : Colomiers (31)
Programme : assistance à maîtrise d’ouvrage concertation
Client : ville de Colomiers, Drac Languedoc-Roussillon, Pavillon Blanc (médiathèque et centre d’art), Colomiers Habitat, CGET
Équipe : Atelier Aïno avec Carine Ravaud (scénographe)
Budget : 4 000 € HT + dons de matériaux de réemploi
Surface : kiosque de 10 m2
Livraison : résidence sur place de mars à juin 2017 intégrant études, chantier et inauguration du lieu avec les habitants