Bâtir une cabane est une expérience singulière : il faut accepter de faire avec ce qui est déjà là et lui donner une forme spontanée, essentielle. À bien voir, à l’ère de l’Anthropocène, la cabane est le paradigme d’une manière de vivre et de faire avec les autres, avec le vivant, dans le respect du cycle naturel : la cabane est l’emblème d’un monde à nouveau habitable.
Mini Maousse 10, intitulé Supercabane !, propose aux étudiants en art, architecture et design de réfléchir à une nouvelle manière de faire pour prendre soin du monde, en accompagnant les milieux habités et en sensibilisant les enfants et le grand public aux enjeux écologiques. Ainsi, la Supercabane ! est pensée pour et avec les enfants des écoles primaires.
Prendre soin du monde, c’est apprendre à faire ensemble, c’est-à-dire établir un rite de transmission entre les générations pour conserver notre monde en héritage. Un des enjeux de Supercabane ! est de travailler avec les enfants et de s’adresser à eux pour construire ensemble les villes soutenables de demain.
Pour participer pleinement à cette fabrique écologique des futurs urbains, il faudra penser la cabane, mais aussi donner les moyens de la construire de manière ludique au cœur d’une école, en créant pour les enfants un récit d’initiation sous la forme d’un conte qui puisse déployer ce dispositif de construction en commun.
Les thèmes principaux de la Supercabane !
La Supercabane ! de Mini Maousse est, à la fois, un sujet archétypal de la construction humaine sur lequel beaucoup a déjà été écrit en même temps qu’une situation précise que l’on ne pourra jamais répliquer à l’identique. Par son double rapport entre un aspect fondamental (l’abri, le refuge, le lieu où l’on se retrouve) et ses possibilités ludiques (un espace de découverte et de partage) se noue quelque chose de profond et joyeux que l’on peut résumer par l’expression du psychologue Patrice Huerre : « Jouer à habiter, habiter pour jouer[1] ». Pour ce faire, nous indiquons quelques pistes à suivre.
CARE-TECTURE
La cabane, en tant que symbole de l’architecture, est souvent réduite à l’acte de protéger, de loger, d’abriter. Le care, de son côté, est relié à l’idée du soin, et même à la notion de sanitaire. La synergie entre ces deux termes care et architecture, pour Supercabane !, est porteuse d’une ligne de projet inédite, qui établit un lien entre la société, l’individu, l’écologie et la création. Cette manière de faire « en immersion » permet de déployer tous les volets de cette forme de construction, cette architecture des milieux qui prend soin, s’adapte, sans se figer, aux injonctions classiques de la construction.
CONSTRUIRE
Comme le rappelle Gilles Tiberghien, le plus important, dans la cabane, c’est de la construire. Il s’agit donc d’un geste matériel, d’une confrontation avec le faire et avec les matériaux. Devant les critiques fondamentales portées à l’architecture, responsable de 20 % des émissions des gaz à effet de serre et de 40 % de la consommation d’énergie, devant la normalisation qui risque d’être imposée par la réponse à l’urgence climatique, le retour à la construction de la cabane est une invitation faite aux jeunes professionnels pour proposer des idées qui dépassent les modèles traditionnels, les économies classiques de la construction et, finalement, la manière de mettre en œuvre ces microhabitations aux répercussions planétaires. Les enfants d’aujourd’hui sont les pionniers d’une nouvelle manière de faire, mais leur inventivité risque d’être bridée par le poids de l’écoresponsabilité. Ainsi, pour s’éloigner de l’écoanxiété qui touche celles et ceux qui « doivent faire différemment », nous encourageons à une sortie ludique, en imaginant une cabane, dans une école, autour d’un conte contemporain que les participants au concours devront inventer. La création, l’invention peuvent être le remède en offrant un modèle qui diffère des métropoles actuelles. C’est en dépliant les formes du construire que nous proposons aux candidats de recommencer, de manière ludique, cette écofondation de l’architecture du care.
SE CONSTRUIRE
La portée de la cabane dépasse largement son espace matériel. Il s’agit d’un lieu d’affirmation de l’individu ; c’est un sujet transgénérationnel, car à tout âge on peut « monter dans sa cabane » et s’isoler. Pour les enfants, c’est un lieu pour se construire ; pour les adultes, la cabane, de fortune ou projetée, est le lieu pour se reconstruire. Ainsi, derrière sa simplicité, c’est l’idée de sortir des standards et de construire quelque chose à l’image de chacun…
COCONSTRUIRE
Il n’y a pas que du repli dans la cabane, il y a aussi une possibilité de « construire ensemble », avec ce que l’on trouve ; pour les enfants, c’est une première forme de partage et de solidarité de leur expérience du vivre ensemble. Échanger et s’entraider, apprendre avec et de l’expérience de l’autre, s’assembler… C’est cet échange qui régit la vie de la cabane et apprend à faire un projet selon des logiques de codesign et d’empowerment.
ÉCOCONSTRUIRE
La cabane, par ses matériaux, est une « alternative à la ville », une possibilité de retrouver une forme de nature ou de naturalité. Certes, la cabane de l’urgence peut être faite avec le tout-venant, mais cette cabane-manifeste de Mini Maousse propose un retour à l’archétype même de la cabane dans l’histoire de l’architecture. L’architecture naturelle dont il est question choisit par principe le biosourcé, le remploi et le recyclage, impose une nouvelle manière de construire, le tout à partir du petit, du low-tech…
ALTER-CONSTRUIRE
La cabane est aussi le lieu de la résistance face à l’hostilité du monde : la cabane du migrant, la cabane de la ZAD fondent un vocabulaire typologique différent, où l’engagement est au centre. C’est ici que les piliers du faire ensemble de la communauté prennent leur origine et déterminent le chemin pour une alternative architecturale : les savoirs se transmettent, des plus traditionnels aux impressions 3 D avec des matériaux naturels… Tout reste à inventer !
ÉCOTECTURE
Dans l’enceinte de la cabane, on réinvente Gaia ! La petite échelle nous ramène à ce que l’on peut faire individuellement, touche par touche, on parle de la T/terre que nous risquons de perdre. L’écotecture, c’est faire l’architecture dans une forme de naturalité pour rester dans le cycle des milieux, le cycle court de la proximité et/ou inventer des nouveaux matériaux écosourcés pour continuer à nourrir le lien avec le vivant…
Cette dixième édition du concours Mini Maousse sera présidée par Cynthia Fleury, professeure titulaire de la chaire Humanités et Santé au Cnam et titulaire de la chaire Philosophie à l’hôpital Sainte-Anne.
Antonella Tufano, professeure de design, Paris 1 Panthéon Sorbonne
Fiona Meadows, responsable de programme, Cité de l'architecture et du patrimoine
Cahier des charges
Pour la 10e session du concours de microarchitecture, nous proposons une formule inédite, tant dans le cahier de charges que dans le format des rendus, qui seront de trois ordres : un livret-conte ; un projet de Supercabane ! qui puisse prendre place dans une cour d’école et devenir un lieu de jeu et de pédagogie, et un mode d’emploi ludique pour coconstruire la cabane.
Pour qui ?
Il faudra penser, en amont, la faisabilité de la cabane dans une cour d’école primaire et sa praticabilité pour des enfants. Pour les équipes retenues au second tour, il faudra s’approcher d’une école pour discuter avec elle : un des critères est de ne pas créer une cabane hors contexte, mais de réaliser une cabane dans une cour d’école qui existe, avec un programme inscrit idéalement dans un travail avec les enseignants du primaire. Initier à l’écologie, sensibiliser au durable, faire comprendre l’importance du retour à l’écosourcé ne peut se faire sans l’accompagnement des pédagogues. La cabane, elle, aura l’objectif de réenchanter les imaginaires du remploi, de l’écoconception et de leur conférer une position ludique.
Quoi ? Comment ?
Pour répondre aux enjeux, il faudra proposer une panoplie d’outils mettant en œuvre le projet.
Une cabane
La cabane doit être construite avec des matériaux durables, dans des démarches inspirées de la transmission artisanale et en même temps en récupérant ou en allant chercher les matériaux locaux ou les ressources d’un territoire. Il peut aussi s’agir d’une ressourcerie. En bref, la démarche d’écoconception, du remploi et du recyclage est fondamentale et obligatoire. En cela, la cabane s’affirme comme un antipavillon, dans la mesure où l’aspect scénographique est moins important que la manière de construire. La Supercabane ! pourra ainsi être un objet iconique et fixe ou une construction légère mais solide, démontable et utilisable plusieurs fois. Il faudra la penser dans un cycle de vie, jusqu’à sa dernière possibilité d’usage. Sa taille s’inspirera du π (pi), la constante d’Archimède, cette mesure qui régit le lien entre nous et le cosmos.
Dans Mini Maousse 10, par une construction d’emboîtement, on pourra aller de la boîte à outils jusqu’à la cabane déployée. Ainsi, cette cabane de 4 mètres carrés d’emprise au sol (maximum) peut s’aventurer dans les hauteurs comme le haricot magique pour établir ce lien avec le cosmos.
Pour entrer dans une démarche de coconstruction, cette cabane devra être réalisable avec un outil d’accompagnement au montage. Il faudra que la simplicité guide la construction, que les enfants puissent, parfois, participer ou manipuler les éléments. Il s’agit d’un positionnement essentiel pour assurer la transmission. Ce deuxième livrable, la boîte à outils pour coconstruire la cabane, se présentera graphiquement comme un poster (format A3) que l’on pourra plier en format A4.
Un jeu
Pour faciliter la compréhension des notions liés à votre Super Cabane, il est demandé d’inventer un jeu. Jeux de cartes, de construction, jeu de maquette, de piste, jeu de plateau ou jeu de rôle, à faire en solo ou en groupe en autonomie ou encadré, l’important est de partager et d’apprendre dans un contexte bienveillant et ludique.
« Les jeux pédagogiques s’imposent comme de formidables instruments pour manipuler le réel et le rendre plus compréhensible. Ils sont conçus pour permettre l'apprentisssage ... » (https://www.ville-jeux.com/Les-jeux-pedagogiques-sur-la-ville.html)
Un conte.
Ainsi, il s’agira de s’inspirer des contes pour enfants dans lesquels la cabane a un rôle de construction de nos imaginaires, pour réécrire un conte contemporain. L’image de la cabane renvoie à la peur du loup, mais elle est aussi tentatrice comme dans le conte d’Hansel et Gretel : en tout cas, c’est un lieu d’initiation. C’est dans cette direction que les candidats devront réécrire un conte, avec fantaisie, sensibilité, imagination pour le partager avec les enfants. Ce premier livrable se présentera sous forme d’un livret de 20-30 pages maximum, format A4, qui met en scène un récit de l’Anthropocène, une refondation de la construction à destination des enfants.
Avec quoi ?
La palette des matériaux est large et elle se plie également à l’offre locale ; il faudra envisager un cycle de vie, donc il est fortement conseillé de travailler avec des restes…
Carton, bois, paille, matériaux écocomposés, remploi d’éléments d’architecture (châssis…), matières naturelles, terre…
Pour quoi faire ?
Jouer, habiter, se dire des contes, faire une leçon, dormir, protéger des outils pour le jardinage…
JURY
Présidente de jury : Cynthia Fleury
- Julien Bargeton, président de la Cité de l’architecture et du patrimoine
- Nicolas Bonnenfant, paysagiste, COLOCO
- Arnaud Godevin, directeur de l’École supérieure du bois
- Véronique Delandre, proviseure du Lycée Claude Bernard (Paris XVIe)
- Françoise Decortis, psychologue, professeure à l’Université Paris 8, psychologue, professeure à l’Université Paris 8
- Jean-Marie Durant, rédacteur en chef rubrique arts les Inrocks
- Géraldine Durieux, designer, atelier Rotor
- Cédric Enjalbert, rédacteur en chef Philo magazine
- Antoine Fenoglio, designer, agence Les Sismo
- Mathilde Le Ficher, directrice de la Compagnie des Rêves Urbains,
- Fiona Meadows, responsable de programmes Cité de l’architecture et du patrimoine
- Manon Mollard, journaliste, rédactrice en chef d’Architectural Review
- Olivier Saguez, président de la fondation Saguez
- Antonella Tufano, professeure de design, Paris 1 Panthéon Sorbonne
Informations pratiques
Qui peut s’inscrire ? : Les étudiants de niveau 3e année, licence L3 ou au-delà, ou équivalence, inscrits pour l’année universitaire 2023-2024 ou 2024-2025 dans une école française d'architecture, de design, d’art, du paysage ou dans une école d’ingénieurs.
Calendrier
21 mars 2024 : lancement du concours
11 octobre 2024 : colloque
10 janvier 2025 : rendu phase 1
mars 2025 : rendu phase 2
mars 2025 : jury final
juillet : atelier de fabrication à l'ESB
Cité de l'architecture et du patrimoine
7, avenue Albert de Mun
75116 Paris
- L‘éthique du care / Cynthia Fleury
- Design with care ?
- La guerre des boutons (extrait)
- Les trois petits cochons
- S'INSCRIRE
- COLLOQUE - 11 octobre 2024
- Mini MiniMaousse (de la maternelle au secondaire)
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Règlement
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Le sujet
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Partenariat
Le concours Mini Maousse bénéficie du partenariat de l'ESB (école supérieur du bois)
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Cession de droits d'auteur